Le Groupe des Divisions d'Entrainements (GDE)
Introduction
Au début du 1er conflit mondial, l’aviation n’en est qu’à ses débuts. Quinze ans plus tôt, elle n’existe pas et jusqu’à la déclaration de guerre, elle est considérée comme un sport réservé à quelques cascadeurs avides d’exploits. Rapidement reconnue utile pour l’observation puis pour la nécessaire maîtrise du ciel, elle évolue et ses effectifs augmentent considérablement. Il faut créer ou agrandir les quelques structures existantes pour permettre une formation correcte pour tous les militaires qui rejoignent l’aviation.
Le Valois est choisi pour implanter une de ces structures qui ne cessera de s’agrandir et de se perfectionner durant tout le conflit. Il s’agit du Groupe des Divisions d’Entrainement (GDE).
Le GDE est en fait constitué de plusieurs petits terrains sur lesquels sont implantés la division Farman, la division Voisin, la division Nieuport et la division Caudron. Le GDE ne cesse d’évoluer et de s’agrandir car lorsqu’un nouveau modèle d’avions est créé une nouvelle division l'est également automatiquement pour permettre au personnel d’être formé sur ce nouveau type d’appareils.
Rapidement, environ un an après sa mise en place, le GDE doit s’agrandir considérablement et quatre terrains satellites sont créés. Nous reviendrons sur ces terrains un peu plus tard.
La structure du GDE
Les autorités militaires de l’époque décident d’implanter le GDE dans le Valois le 21 novembre 1915.
Pourquoi venir dans le Valois ? Pour plusieurs raisons dont la première était que la structure existe déjà pas loin de là. Elle se trouve à la réserve générale de l’aviation au Bourget (RGA). Comme nous l’avons dit précédemment l’évolution de l’aviation étant très rapide l’infrastructure du Bourget devient vite trop petite. Il faut de la place mais il ne faut pas non plus s’éloigner du front pour permettre aux stagiaires qui quittent le GDE de rejoindre rapidement leur escadrille.
Il est donc décidé de venir s’installer sur les terrains agricoles se situant aux abords de la gare « Ermenonville-Le Plessis-Belleville ».
La première division (Farman) arrive le 21 décembre 1915 et installe son personnel dans les baraques Adrian et chez l’habitant et son matériel dans les hangars Bessonneau démontés du Bourget et transportés sur le nouveau site.
A la fin février, l’ensemble des divisions sont installées au Plessis-Belleville.
Un rôle : former les hommes à une arme nouvelle
Le GDE n’est pas tant une école d’aviation mais plutôt un centre de formation. Si un stagiaire arrive au GDE en provenance d’une école et que les instructeurs estiment que son niveau n’est pas suffisant il est renvoyé immédiatement en école.
Le GDE accueille donc tous les personnels navigants, qu’il s’agisse des pilotes, observateurs, mitrailleurs, bombardiers, photographes.
Certains de ces militaires feront plusieurs passages tout au long de la guerre, pourquoi ? Parce que le GDE a plusieurs missions:
- Tout d’abord, pour terminer la formation initiale et permettre aux stagiaires de rejoindre le front pour immédiatement participer aux combats. Cette mission est la plus importante.
- Ensuite lorsqu’un militaire se retrouve en convalescence quels que soient les motifs (maladie, accident ou blessure), il doit automatiquement repasser par le GDE avant de rejoindre le front.
- Enfin, comme dit plus haut, tout au long de la guerre des nouveaux modèles d’avions apparaissent. Il arrive fréquemment que les escadrilles changent de modèle d’avions ce qui oblige son personnel à faire un stage au GDE, soit en escadrille constituée soit en envoyant son personnel au fur et à mesure.
Comme les instructeurs du GDE qui peuvent renvoyer en école un stagiaire, le commandant d’escadrille peut lui aussi renvoyer au GDE l'un de ses soldats s’il estime qu’il n’est pas suffisamment formé.
La spécialisation des hommes pour s’adapter à un conflit moderne
La formation au GDE dure environ 6 semaines. Cependant cette période est théorique. En effet, l'étude des carnets de vol de pilote permet d'affirmer que cette période de 6 semaines est en réalité très dépendante du cours de la guerre et de la météo.
Lorsque le militaire n'était pas en vol, il avait d’autres tâches car un pilote ne doit rien ignorer de son avion et doit savoir faire les réparations qui s’imposent lorsqu’il tombe en panne au milieu de nulle part. Le GDE prodigue donc des cours de mécanique. Le stagiaire participe aussi à des conférences diverses et variées (sur l’armement, la navigation, la météorologie, l’organisation de l’aviation, de l'aviation ennemie et amie et l'instruction militaire). Ces conférences sont réalisées par des officiers qui ont été détachés, en général 3 mois, pour assurer la formation des stagiaires. Les personnels encadrants du GDE le sont en général pour une période de plus ou moins 3 mois, ensuite ils rejoignent leur escadrille d’origine ou sont affectés dans une autre.
Loger des centaines d’aviateurs : les cantonnements
Comme nous l’avons évoqué plus haut, les élèves au GDE sont logés soit dans les baraques Adrian situées soit sur le terrain soit chez l’habitant. Au début de sa création il y avait environ une centaine d’officiers et cent cinquante sous-officiers à héberger mais rapidement le nombre augmente et il y a environ 9 fois plus de personne à loger en 1918 que deux ans plus tôt. Pour vous donner un ordre d’idées, nous avions dans les six communes situées aux abords du GDE (Eve, Ermenonville, Lagny-le-Sec, Le Plessis-Belleville, Montagny-Sainte-Félicité et Ver-sur-Launette) une population totale de moins de 2400 habitants. C’est l’équivalent du nombre d’hommes composant le GDE.
Les stagiaires et les formateurs sont donc logés entre autres au château de Lagny-le-Sec, au château de Vallières à Mortefontaine, au château de l’Ermitage à Ermenonville, ou à l’hôtel de la Croix d’or, et bien sûr dans toutes les communes voisines. Il ne faut pas oublier qu’il y a un nombre important d’officiers parmi les formateurs et les stagiaires, leur grade leur octroie donc des avantages, ils ne pouvaient pas être logés n’importe où, c’est pour cette raison que de nombreux cantonnements se trouvaient dans des châteaux ou dans des demeures bourgeoises des alentours.
La nécessaire extension du GDE au-delà du Plessis-Belleville
Le terrain du GDE devient vite trop petit pour accueillir toutes les divisions. Il faut donc trouver d’autres terrains, cela commence environ un an après l’installation du GDE dans le Valois.
THIERS-SUR-THÈVE: Le GDE ayant eu un terrain annexe situé à Thiers-sur-Thève, dès sa création, il est alors utilisé pour le tir. Ce terrain a été repéré par le capitaine Henri de Kersaint (futur maire de Versigny (60)).
RARAY: Fin 1916, est créé le terrain de Raray, aux abords de la ferme des bordes. Ce terrain accueille la division Caudron.
SACY-LE-GRAND: Un an plus tard, est créé le terrain de Sacy-le-Grand qui forme uniquement au bombardement. D’ailleurs, quelque temps après cette annexe portera le nom de division d’application du bombardement.
VERRINES: A la même période, est créée l’annexe de Verrines qui forme à la chasse. Elle se situe à la sortie du village le long de la route Trumilly-Verrines près de Néry.
PIERREFONDS-PALESNES: Ce terrain n’a pas été créé pour le GDE, il existait déjà avant et avait été utilisé par l’aviation de la VIe armée en septembre 1914.
Avec ces 5 annexes le GDE à lui seul compte environ 640 avions en 1918 ce qui représente environ 1/7e des appareils de l’aviation française de l’époque. Il faut ajouter à ces 5 annexes deux autres divisions implantées sur le terrain du GDE du Plessis-Belleville: la division des observateurs ainsi que celle des photographes.
Les Hommes
Des stagiaires de tous horizons
Nous sommes dans un conflit mondial et c’est pour cette raison que le GDE accueille des stagiaires de tous horizons. Le GDE a accueilli des Japonais, des Serbes, des Roumains, des Monténégrins, des Russes et bien d’autres nationalités et des Américains y sont venus même avant l’entrée en guerre de leur pays. En effet, on trouve la trace des premiers stagiaires américains début 1916. Tous les citer seraient impossibles, mais pour n'en citer qu'un il s'agit Norman Prince qui est l'un des fondateurs de l’escadrille La Fayette. Cette escadrille est tout d’abord une escadrille française rassemblant des pilotes américains et commandée par un officier français avant de devenir une escadrille américaine à la fin de la guerre.
Le GDE a aussi accueilli des hommes célèbres, ou qui allaient le devenir, des sportifs, des futurs patrons de grandes sociétés, des hommes politiques ou qui le seront. Parmi eux il y a eu Jean Renoir qui n’est pas connu lors de son passage au GDE mais qui deviendra un grand cinéaste. A cette époque, il n’est que le fils du célèbre peintre.
Lorsqu’on évoque le GDE, il ne faut pas oublier ce qui a été dit plus haut : au vu de sa population, nous pourrions le comparer à une ville ou par exemple à une base aérienne actuelle. Il faut donc pour faire fonctionner une telle structure, du personnel qui se charge du ravitaillement, à l’intendance, en passant par la santé et la gestion de la base.
Mourir pour la France au GDE
Le GDE a son propre service de santé qui permet de soigner les stagiaires et personnel présent sur le site. Il accueille aussi les accidentés en attente leurs transports vers les hôpitaux situés aux alentours (Ermenonville, Senlis…). Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un centre de formation et les accidents sont courants. Si la plupart des accidents sont sans trop de gravités certains sont mortels.
Parmi les stagiaires ou le personnel, certains ont vu la guerre se terminer au GDE. En effet, au moins 79 d’entre eux y sont morts. La très grande majorité a été déclarée « mort pour la France » mais il y a quelques exceptions. Le nombre de militaires décédés au GDE n’est cependant pas définitif.
Un monument a été érigé dans le cimetière d’Ermenonville pour rendre hommage à ces victimes de la guerre. La quasi-totalité des morts du GDE ont été enterrés dans ce cimetière. Pour une grande partie d’entre eux les familles ont fait, dès qu’elles l’ont pu, rapatrier les dépouilles dans les caveaux familiaux situés ailleurs en France.
Les contacts avec la population du Valois
Les stagiaires comme les personnels du GDE avaient de nombreux contacts avec la population locale qu’ils côtoyaient pour diverses raisons. Certains se connaissaient même déjà avant la guerre et ont profité de leur passage au GDE pour leur rendre visite. Mais pour la plupart, c’est simplement la proximité du terrain et des villages qui les ont amené à passer du temps ensemble en dehors de la formation.
Conclusion: déménagements et fin du GDE
Pour conclure, il faut quand même évoquer que la distance du front (une cinquantaine de kilomètres) est un atout pour le GDE et pour ses stagiaires. Cependant, au printemps 1918, suite à l’offensive allemande, le front se rapproche des terrains et oblige les autorités militaires à prendre la décision de déménager provisoirement le GDE dans une zone plus sûre. Après un mois passé dans la région de Chartres, la menace est moindre et la décision est prise de retrouver le Valois… pour un mois, puisque l’opération se reproduit une seconde fois à l’identique ! Au total ce seront quatre déménagements qui auront lieu rien que dans l'année 1918.
A Chartres, le GDE occupe une partie de l’école d’aviation, ce qui gêne considérablement la formation des pilotes. Lors des déménagements, seuls les avions et le personnel partent, les infrastructures restent en place et servent aux escadrilles combattant au-dessus du front.
Le GDE retrouve définitivement le Valois, fin juillet 1918. Après l’armistice, devenu inutile, il est dissous début janvier 1919.
Le GDE aura accueilli, même si aucun décompte officiel n’existe, au minimum 20 000 aviateurs en formation durant ces 3 années d’existence.
Bien qu'ayant existé durant 3 ans, le GDE n'a laissé aucune trace de son passage sur le terrain, mais heureusement pour pouvoir faire perdurer le devoir de mémoire, le monument érigé dans le cimetière d’Ermenonville existe, sans pour autant mentionner l’exacte raison pour laquelle tant d’aviateurs sont tombés dans les environs.
Le mot de l'auteur
Cette fiche a été envoyé par l'un de nos visiteurs: M. Vincent Bartier, pour Historiaviation, et qui a souhaité laisser un petit message:
"J’espère avoir pu vous apporter des informations sur le GDE et si vous souhaitez en savoir plus vous pouvez lire la publication éditée par l’association histoire et archéologie de Nanteuil-le-Haudouin qui présente l’aventure du GDE (La Pépinière des aviateurs de la Grande Guerre dans le Valois), disponible sur le lien suivant:
http://www.aerostories.org/~aerobiblio/article5032.html
Je vous remercie"
Date de dernière mise à jour : 16/10/2016